Innover à l’aide de citrouilles

SAINTE-MONIQUE. Sébastien Angers voit grand. Et ironiquement, c’est dans du tout petit qu’il mise le tout pour le tout : la graine de citrouille biologique! Depuis deux ans, il vise à en faire une production à des fins commerciales. Mine de rien, cette nouvelle filière fait son petit bonhomme de chemin…

Le producteur agricole de Sainte-Monique s’est allié à d’autres producteurs innovants du Québec pour réaliser ce projet d’envergure. Ils mettent en commun leurs expertises et leurs idées. « La première année, on était quatre. On a produit 600 kilos de graines de citrouilles biologiques. L’an dernier et cette année, on est cinq. On peaufine l’itinéraire technique (c’est-à-dire la manière de conduire une culture, selon les objectifs visés). On en teste environ dix sur les cinq fermes. C’est beaucoup plus raffiné qu’au début. Ça signifie qu’on maîtrise mieux le processus. À preuve, on a réussi à produire cinq tonnes lors de la dernière récolte. »

Ensemble, ils cherchent la recette la plus optimale. L’objectif, pour cet été, est de produire un minimum de dix tonnes de graines de citrouilles biologiques; le double de la dernière année…

Agriculture regénérative

Le défi est immense. D’une part, parce que la production commerciale de graines de citrouilles biologiques est nouvelle au Québec. D’autre part, parce qu’ils la font en agriculture regénérative, un type de production encore marginal, axé sur la santé des sols.

« On minimise le travail de sol. On vise à augmenter de beaucoup la biodiversité, notamment par l’ajout de couverts végétaux dans nos systèmes de culture. En même temps, ce couvert végétal augmente la capacité de séquestration du carbone (un plus, en agriculture) », explique Sébastien Angers, dont les champs, au printemps, sont verdissants alors que ceux tout autour sont encore à nu. « Le seigle pousse un mois et demi plus tôt chez nous parce qu’il a capté toute l’énergie du soleil », illustre-t-il.

Avec ses partenaires, il compte repousser les limites: « C’est quand même nouveau, alors on valide des choses. On veut faire la preuve que ça fonctionne et que ça peut être rentable. En même temps, travailler en équipe permet de partager le risque. »

Il rappelle que travailler avec la nature nécessite de composer avec une panoplie de variables, notamment les caprices de Dame Nature. Il y a aussi énormément d’enjeux à considérer jusqu’à la mise en marché, insiste M. Angers: « L’enjeu du semis, de l’espacement, de l’eau, de la récolte et du conditionnement », nomme-t-il.

Le producteur explique que le conditionnement doit être fait en 24 heures : « Les graines sont récoltées dans l’humidité. Comme elles sont consommées à l’unité directement, il y a aussi des enjeux microbiologiques dont il faut tenir compte. Si je ne suis pas correct dans mes étapes, la salubrité sera affectée ».

Actuellement, l’équipe de Sébastien Angers fait la preuve de concept sur la ferme de celui-ci, à Sainte-Monique. Une preuve de concept consiste à démontrer, à l’aide de données et d’éléments tangibles, la faisabilité et la viabilité d’un projet. « C’est prometteur car l’an passé, on a été rentable. Par contre, on veut optimiser encore avant de dire Go, on fonce. On fait donc un autre tour de piste ici cette année, mais je pense que l’an prochain, on va être en mouvement et avoir une usine ailleurs, possiblement. »

Mise en marché

Évidemment, il faut aussi que le consommateur veuille le produit. Pour ce volet crucial, Sébastien Angers est allé chercher l’expertise de l’entreprise PRANA, spécialisée dans la transformation et la commercialisation de noix et de graines biologiques, sous forme de collations. 

Il n’a pas eu besoin de transformer une citrouille en carrosse pour embarquer la cofondatrice Marie-Josée Richer dans son projet! Il ne lui a suffi que d’un coup de fil, en mars 2020, pour qu’elle accepte de participer à cette folle aventure. Pas besoin de présentations formelles dans ce cas-ci, puisqu’ils se connaissaient déjà : « Marie-Josée était ma voisine de kiosque dans un marché d’Outremont, il y a plusieurs années déjà », raconte M. Angers. 

De ce partenariat est née la collation Löka, composée exclusivement des graines de citrouilles biologiques de Sébastien Angers et de son équipe. Les premiers sacs ont été mis en marché ce printemps, en deux saveurs : sel de mer et algues de l’Atlantique. « On a pris une culture qui n’existait pas au Québec et on l’a amenée sur les tablettes en deux ans. Ça ne s’est pas fait souvent! », s’exclame M. Angers, optimiste pour la suite.

Environ 40 000 sacs ont été mis en marché.

La suite

Éventuellement, Sébastien Angers poussera encore plus loin la valorisation de la graine de citrouille. Il songe à en extraire l’huile. « Ça s’en vient », sourit-il.

Et en parallèle, il expérimente un autre type de culture aux débouchés possiblement aussi prometteurs que ceux de la graine de citrouille : le tournesol décortiqué. « J’ai commandé mes semences l’automne dernier. Ce sera en fleur au début d’août, à côté de ma ferme (la Ferme L’Odyssée, située dans le rang du Petit-Saint-Esprit) ».

 

Le saviez-vous?

La majorité des graines de citrouilles vendues au pays sont importées d’Autriche, d’Europe de l’Est, de la Chine et de l’Inde. C’est un produit rempli de protéines et de fibres alimentaire, en plus d’être riche en vitamine E et en manganèse.