Un lock-out «odieux», dénonce le syndicat

CONFLIT. Les syndiqués de l’ABI, en lock-out depuis le 11 janvier, estiment que le conflit qui les oppose à leur employeur aurait pu se régler à une table de négociations si les responsables de l’usine en avaient eu le mandat de la part des propriétaires de l’étranger.

«C’est à se demander si les vrais enjeux de ce conflit étaient bel et bien à la table de négociations ou dans les intérêts commerciaux des deux géants de l’aluminium», soulève le président de la section locale 9700 représentant les 1030 travailleurs de l’ABI, Clément Masse, qui dénonce du même souffle le fait que les séries de cuves ont commencé à être fermées avant même que ne commence la rencontre entre les parties convoquées par le médiateur du gouvernement.

Cette paralysie de la part des représentants patronaux ne se limite pas à la semaine qui vient de s’écouler, fait valoir Clément Masse. «En décembre dernier, alors que les négociations allaient bon train et que des pas importants étaient faits sur le régime de retraite, la compagnie a préféré rompre les négociations et déposer une offre finale plutôt que d’essayer de boucler la boucle avec un règlement négocié», rappelle-t-il.

Il est bon de préciser que l’aluminerie de Bécancour appartient à 25,1 % à Rio Tinto et 74,9 % à Alcoa. Les deux parties doivent s’entendre pour mettre fin à un conflit de travail.  «C’est certain que ça complique les choses dans une négociation et encore plus dans un conflit», observe Clément Masse.

Présent pour appuyer les travailleurs lockoutés, le directeur québécois des Métallos, Alain Croteau, a tenu à rappeler que les Métallos se sont déjà frottés à Rio Tinto au Saguenay-Lac-Saint-Jean en 2012, lors d’un lockout dans un contexte similaire.

«Cette compagnie n’hésite pas à faire souffrir des centaines de familles et appauvrir toute une région si leurs intérêts commerciaux sont en jeu, martèle-t-il.

Selon lui, la compagnie va pouvoir faire grimper les prix de plusieurs produits d’aluminium et peut-être de la prime Midwest américain, tout en continuant de fournir le marché à partir d’usines qu’ils détiennent à parts entières, plutôt qu’à 25%.«Il faut parfois se demander à qui profite le crime…», lance-t-il, rappelant qu’en 2012, au moment de déclencher un lockout à son aluminerie d’Alma, il y avait des surplus d’aluminium sur les marchés et que l’arrêt de production à l’usine almatoise avait contribué à réduire les stocks et à faire monter les prix.

Le porte-parole n’est pas tendre non plus à l’égard d’Alcoa. «La compagnie demande des tarifs toujours plus avantageux de la part du gouvernement du Québec et de sa société d’État. Faut-il voir dans le lockout une tactique pour semer l’incertitude et peser dans la balance de tarifs d’électricité inférieurs?», questionne de nouveau Alain Croteau.

La section locale 9700 des Métallos réitère son ouverture à reprendre les négociations. «Plusieurs des aspects en suspens dans les négociations concernent les mouvements de main‑d’œuvre. Ce sont des enjeux d’organisation du travail qui n’ont pas nécessairement d’impact monétaire important. Cela demande toutefois un esprit d’ouverture de la part de l’employeur. Un règlement est certainement possible, à condition que l’employeur le veuille», ajoute Clément Masse.

Les négociations achoppent sur le régime de retraite et le respect de l’ancienneté dans les mouvements de main-d’œuvre, alors qu’une importante vague d’embauches est à prévoir au sein de l’usine.

Les porte-parole syndicaux sont convaincus que le coût d’un lockout, avec l’arrêt des séries de cuves, représente largement plus que la valeur monétaire de ce qui séparait les parties. «Ça n’a aucune commune mesure. Un lockout leur coûte beaucoup plus cher que ce qu’aurait coûté un règlement», conclut Clément Masse.