Alcoa exige des rabais sur l’électricité pour son aluminerie de Bécancour

ÉCONOMIE. Deux ans après la signature d’une entente d’approvisionnement en électricité avec Hydro-Québec, Alcoa désire la renégocier afin d’obtenir des rabais pour son aluminerie de Bécancour.

C’est à cet endroit que la facture énergétique est la plus élevée au pays, et cela ne peut plus durer, a fait valoir le président d’Alcoa Groupe Produits primaires, Roy Harvey, au cours d’une entrevue accordée à La Presse Canadienne à l’occasion de son passage à Montréal.

Sans évoquer précisément ce qu’il adviendrait de l’aluminerie faute d’une entente, M. Harvey, qui sera le grand patron d’Alcoa une fois sa scission complétée plus tard cette année, a clairement laissé entendre que la multinationale pourrait être obligée de prendre des décisions difficiles.

«Nous examinons toujours tous nos actifs et nous n’écartons aucun scénario», a-t-il répondu, lorsque questionné à savoir si la fermeture de l’usine, qui emploie un millier de syndiqués, pouvait être envisagée.

Il a toutefois pris soin d’ajouter que Bécancour était «une aluminerie importante» dans laquelle Alcoa espérait pouvoir continuer à investir, mais qu’il était actuellement difficile de le faire compte tenu des coûts d’approvisionnement en énergie. Le Québec représente le tiers de la capacité de production d’aluminium d’Alcoa.

S’il est actuellement encore trop tôt pour évoquer des réductions de personnel pour réduire les coûts à Bécancour, M. Harvey a également refusé d’écarter ce scénario lorsque la question lui a été posée.

«Nous examinons toujours les façons d’augmenter la productivité et nous n’écartons jamais ces options, a-t-il dit. Nous nous penchons sur notre stratégie en matière de personnel et sur les ententes que nous avons à cet endroit en particulier, et nous regardons les occasions pour forger des partenariats, que ce soit avec nos employés ou nos fournisseurs.»

Après avoir menacé de quitter le Québec en 2013, Alcoa avait conclu une nouvelle entente d’approvisionnement avec Hydro-Québec jusqu’en 2030 pour ses alumineries de Bécancour, Deschambault et Baie-Comeau. Au total, les trois alumineries comptent quelque 2700 travailleurs.

Or, les tarifs varient d’une aluminerie à l’autre, plaide M. Harvey, et l’usine de Bécancour n’est pas rentable.

Le haut dirigeant de la multinationale est bien conscient qu’une entente a été signée en 2013, mais estime que le «contexte a changé depuis» et que le prix de la tonne métrique d’aluminium, qui oscille aux alentours de 1500$ US, n’est pas suffisamment élevé. Il y a 10 ans, le prix de la tonne se négociait à près de 3000$ US la tonne.

Selon lui, il est impératif de trouver une solution avant la scission d’Alcoa. La multinationale doit se diviser plus tard cette année en deux entreprises distinctes; une qui se concentrera sur la production d’aluminium et une autre sur les produits fabriqués pour les industries automobile et aéronautique.

M. Harvey s’est également défendu de négocier à nouveau sur la place publique en laissant planer le doute sur le futur de l’aluminerie de Bécancour. «Nous tentons d’être aussi directs et honnêtes que possible», s’est-il limité à dire sur le sujet.

De passage d’une journée dans la métropole pour rencontrer Hydro-Québec, M. Harvey n’a pas voulu dire si les pourparlers avaient permis de se rapprocher d’une entente. La société d’État n’a pas voulu commenter la rencontre.

M. Harvey a également indiqué qu’il avait discuté du dossier avec le premier ministre Philippe Couillard au Forum économique de Davos, en janvier, et que ce dernier s’était montré «ouvert». Le haut dirigeant d’Alcoa a toutefois préféré ne pas élaborer quant à la réponse de Québec depuis.

En vue de sa scission, Alcoa réfléchit également aux emplacements de ses bureaux administratifs. Si la multinationale parvient à «renforcer son partenariat avec le Québec», elle pourrait décider de rapatrier des responsabilités administratives dans la province, où se trouve son bureau régional.

«Nous examinons où se trouvent certains de nos quartiers généraux, comme celui pour l’aluminium, a dit M. Harvey. Nous voulons qu’ils se situent à des endroits à où la majorité de nos actifs se trouvent.»

Le siège social des activités d’aluminium d’Alcoa fait actuellement partie du siège social européen de Genève.

Le Syndicat de Métallos étonné

La section locale 9700 du Syndicat des Métallos qui représente un millier de travailleurs de l’Aluminerie de Bécancour inc. (ABI) s’étonne de la façon dont Alcoa procède dans ses négociations sur les tarifs d’électricité. Le Syndicat souscrit néanmoins à l’idée que l’ABI devrait pouvoir bénéficier de tarifs aussi avantageux que ce qu’Hydro-Québec garantit ailleurs et croit que de tels tarifs s’accompagnent d’exigences en matière d’emploi et d’investissement.

«C’est tout à fait normal qu’Alcoa ait accès au même traitement de la part d’Hydro Québec que ce qui a été négocié ailleurs. Il est cependant dommage que la compagnie procède encore une fois par des menaces qui insécurisent les travailleurs et leur famille», explique le président de la section locale 9700 des Métallos, Clément Masse. Il précise que le Syndicat n’avait pas été mis au courant de cette nouvelle phase de négociations avec Hydro-Québec et n’a donc pas été en mesure d’intervenir jusqu’à présent dans le dossier.

Selon lui, les tarifs avantageux dont bénéficient les alumineries québécoises devraient avoir une contrepartie. «Le Québec dispose de la ressource naturelle la plus importante pour l’industrie de l’aluminium : de l’électricité propre. Une industrie qui bâtit ici sur le long terme devrait pouvoir s’engager à respecter certaines exigences en matière d’emploi et d’investissement», conclut Clément Masse.

Donald Martel fait appel à la bonne foi

Le député de Nicolet-Bécancour, Donald Martel, invite autant le gouvernement, la direction, que le Syndicat à faire preuve de bonne foi pour conserver les emplois.  «Il faut être capable de laisser la politique de côté parce que c’est une entreprise qu’on ne peut pas se permettre d’échapper», lance-t-il.

«La haute direction ne peut pas toujours faire du chantage de fermeture de l’usine parce qu’ils savent que la région ne pourrait pas s’en priver, plaide Donald Martel. En échange de tarifs d’électricité, ils doivent s’engager à moderniser l’usine.»

En collaboration avec Joanie Mailhot et Sébastien Lacroix

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