Un trophée familial devient un trésor national

HISTOIRE. Un sabre d’honneur qui a longtemps trôné chez la famille Chatillon, de Nicolet, a été dévoilé en grande pompe, récemment, lors d’une cérémonie de la Marine royale canadienne.

C’est que dans le cadre des commémorations entourant le deux-centième anniversaire de la guerre anglo-américaine de 1812, cet artefact qu’on croyait perdu à jamais, a été retrouvé avec toute sa splendeur d’antan.

Il avait été remis à Frédérick Rolette qui avait réalisé d’innombrables exploits durant ce conflit où les Américains avaient tenté d’envahir ce qui s’appelait encore à l’époque le Haut et le Bas-Canada.

Son exploit le plus marquant avait été réalisé au début du conflit, en 1812, sur le lac Érié. À bord d’une chaloupe, avec seulement 4 ou 5 matelots, il avait réussi à capturer une goélette américaine, armée de canons, sur laquelle se trouvaient 40 marins, dont 16 officiers.

Profitant de l’effet de surprise, il réussit à monter à l’abordage, désarmer tous ceux qui se trouvaient sur le pont et faire prisonnier toute l’équipage. En plus de frapper l’imaginaire, ce tour de force avait permis aux Anglais de mettre la main sur plusieurs documents stratégiques qui leur ont ensuite permis de prévoir les actions des Américains.

Au cours de la même guerre, Rolette captura 16 vaisseaux américains, en plus de prendre part à de violents combats desquels il fut sévèrement blessé. Les Américains l’avaient ensuite capturé pour le garder en détention durant un an.

À son retour, en 1814, la ville de Québec lui remit le sabre d’honneur pour remercier de tous ces exploits celui qui avait été surnommé «l’homme au regard de lion».

Le fourreau et la poignée qui représente un lion hérissé sont en cuivre doré. La lame en acier est enjolivée de figures mythologiques et de caractères racontant les exploits de ce héros qui a ensuite sombré dans l’oubli.

Il mourut des suites de ses blessures en 1846, laissant six enfants. Aujourd’hui, ses seuls descendants seraient ceux qui composent la famille Chatillon.

Des racines nicolétaines

Frédérick Rolette n’a jamais habité à Nicolet, mais son père y avait déménagé la famille au tournant du dix-neuvième siècle. De nature aventurière, Frédérick s’était plutôt enrôlé dans la Marine dès l’âge de 12 ans, réalisant ses exploits une quinzaine d’années plus tard.

C’est pourquoi son sabre est arrivé à Nicolet, vers 1880. C’est d’abord son fils John qui l’a gardé après sa mort, avant de le remettre à un cousin qui vivait à Ottawa. Puis, le sabre est revenu entre les mains de John qui habitait toujours ici.

Le sabre passa à la famille Chatillon, lorsqu’Alma, la petite-fille de Frédérick Rolette, se maria avec Octave Chatillon. Il demeura ensuite dans la famille Chatillon durant 135 ans, passant d’Octave à Édouard, à Robert, puis à Guy, qui le conservèrent à Nicolet jusqu’au tournant des années 2000, avant qu’il soit confié à Yolande, qui ramena le précieux objet à Québec.

Durant toutes ses années, la famille Chatillon en prit un soin jaloux. Jamais il n’a été rangé dans une boîte ou entreposé dans le grenier. Il occupa toujours une place d’honneur, suspendu à un mur d’un salon. C’est ce qui explique l’état de conservation impeccable dans lequel l’ont retrouvé la Commandante Jill Marrack et le directeur du Musée naval André Kirouac.

C’est dans le cadre des recherches commandées par le fédéral pour documenter la guerre de 1812-1814 que les historiens ont appris l’existence d’un sabre qui avait été donné à Frédérick Rolette.

«C’est en cherchant dans les archives à travers le Québec qu’ils ont passé par les Archives de Nicolet, avec Marie Pelletier, qui leur a dit qu’elle savait où il était», raconte l’écrivain Pierre Chatillon.  

«Ils l’avaient cherché aux États-Unis, au Canada, en Saskatchewan, tout partout, et ils étaient sûrs qu’il était disparu à tout jamais, alors qu’il était juste à côté de chez eux, chez ma sœur qui habite à Québec», ajoute M. Chatillon qui a été au cœur des cérémonies qui se sont tenues à la Résidence du Complexe naval de la Pointe-à-Carcy, à Québec.

Pour le moment, l’artefact a été confié au Musée naval de Québec où il sera exposé durant tout l’été.

Un navire de patrouille

En plus de dévoiler le fameux sabre, le Gouvernement du Canada et la Marine royale canadienne ont décidé de donner le nom de Frédérick Rolette à un navire de patrouille extracôtier et de l’Arctique.

Ce navire, qui est actuellement en construction, doit être mis à l’eau d’ici deux ans. La famille Chatillon a d’ailleurs été invitée à assister à la cérémonie entourant son baptême qui aura lieu à Halifax, avant de prendre la mer.

Un peu comme l’avait fait celui qui porte son nom avant même qu’une frontière soit établie avec nos voisins du Sud, le «Frédérick Rolette» servira notamment à assurer la souveraineté canadienne dans l’Arctique… où le Danemark, les États-Unis, la Norvège et la Russie ont aussi des intérêts.

 

Sébastien Lacroix sur Twitter: @Sebas_Lacroix