Changement de cap pour le Carrefour jeunesse-emploi

ENTENTE. Le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale a annoncé que des ententes ont été convenues avec l’ensemble des 110 carrefours jeunesse emploi (CJE) du Québec, dont celui de Nicolet-Bécancour. Ainsi, à compter du 1er avril, le partenariat avec les CJE sera basé sur des ententes de service selon des modalités comparables à celles prévues pour plus de 300 autres organismes œuvrant en employabilité.

Les services financés par le Ministère devront alors être orientés vers l’intégration en emploi et viseront prioritairement les jeunes prestataires d’une aide financière de dernier recours et ceux admissibles à l’assurance-emploi. C’est que le gouvernement estime que plus de 725 000 emplois seront disponibles entre 2013 et 2017, dont 53 % seront à pourvoir par les jeunes. Le ministre souhaite donc s’assurer qu’un maximum de jeunes puissent bénéficier de ces occasions.

Par contre, les CJE ne voient pas tout à fait cela d’un bon œil. «Depuis les débuts, il y a 18 ans, les CJE étaient financés à la mission, en fonction des réalités du milieu et adapté au plan d’action local. Or, on a dû transformer notre mission en achat de service, au profit des Centres locaux d’emploi (CLE)», explique Annie Richard, directrice générale du Carrefour jeunesse-emploi du comté de Nicolet-Yamaska et de la MRC de Bécancour.

Les Carrefours jeunesse-emploi appréhendent de devoir exclure les étudiants, les travailleurs autonomes, les jeunes adultes en emploi précaire, les jeunes en réflexion pour un avenir meilleur, les jeunes en quête d’information, …

Ainsi, dès le 1er avril, les interventions des CJE seront encadrées de façon stricte et contrôlées par un cadre administratif et financier plus rigide. Le profil des jeunes qui auront accès aux services des CJE sera accepté ou refusé en fonction des priorités des CLE.

«C’est un changement majeur dans notre opérationnalisation. Nous deviendrons comme une ressource externe d’Emploi-Québec. On va répondre à leurs besoins et leurs mandats. Avant, quand un jeune arrivait chez nous, on lui répondait, et ce, sans discrimination de statut. Maintenant, quand il arrivera au CJE, on devra dans certains cas lui dire d’aller vérifier son admissibilité. C’est vraiment la plus grande déception», déplore Mme Richard.

Elle craint que les 16-17 ans ne soient plus au cœur des priorités. «C’est eux la relève du territoire; ils ont besoin d’être aiguillés en termes de main d’œuvre, de choix de carrière, etc. Le scénario est similaire pour les jeunes travailleurs, craint la directrice. Je me demande qui va s’occuper d’eux et j’avoue que ça m’inquiète un peu. Je ne souhaite pas qu’ils soient laissés à eux-mêmes.»

Selon les CJE, tout le monde visera dorénavant la même clientèle, alors qu’à ce jour, «chacun avait sa mission propre et son offre de service à la jeunesse, originale et adaptée à son milieu.»

Les Carrefours jeunesse-emploi auraient souhaité collaborer avec le Ministère pour trouver une formule inclusive. «Selon nous, l’impact évident de ce coup de force sera qu’un nombre important de jeunes sera mis de côté. Ceux-ci auront de la difficulté à participer pleinement au développement social et économique du Québec, contrairement à ce que dit le ministre», ont-ils fait savoir par communiqué.

Pour Annie Richard, les 15 prochains mois seront fort importants pour le CJE de Nicolet-Bécancour. «Je pense que ça prendra un an pour avoir un portrait réel des impacts sur le territoire, les services, les jeunes, etc. On a une belle collaboration avec Emploi-Québec et le Centre local d’emploi, mais on a un grand défi devant nous», conclut-elle.

Financement et remaniement

Les ententes en cours de signature représentent un investissement de 45,5M$ pour les jeunes. Le CJE de Nicolet-Bécancour est donc toujours financé par le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, mais maintenant d’un pallier plus local.

«Cette somme est redistribué en région. Au Centre-du-Québec, on note une baisse de l’entente de 2,8%. Avec tout ce qui avait été dit, on s’attendait à quelque chose de beaucoup plus drastique. Mais cette diminution nous a amené à couper un poste», mentionne Mme Richard. Elle affirme que d’autres changements pourraient survenir, compte-tenu de la nouvelle entente.