Trois ex-détenus se confient

JUSTICE. Les prisonniers sont tous des bums de mauvaise famille et c’est impossible qu’un détenu se reprenne en main à sa sortie. «Délinquant un jour, délinquant toujours», croient plusieurs. Mais en réalité, à quoi ressemble la vie avant et après un passage en établissement de détention? Trois ex-détenus se sont confiés à TC Media Mauricie.

Daniel, Bill et Andrew ont trois parcours complètement différents, mais une chose les unit. Ils ont tous vécu l’expérience de vivre «en-dedans», pour une plus ou moins longue période, selon le cas.

D’abord condamné à purger 25 ans en prison, Daniel y a passé 17 ans après avoir assassiné le conjoint de sa mère, en 1982, à l’âge de 19 ans. Depuis 1999, il est donc en libération conditionnelle et sera surveillé jusqu’à la fin de ses jours.

Ex-toxicomane, Bill a commis non pas un, mais plusieurs délits reliés au monde de la drogue. Il a donc effectué moins d’une dizaine de séjours en prison, chacun d’une durée plutôt variable.

De son côté, Andrew aura passé 7 années de sa vie derrière les barreaux, soit 3 au provincial et 4 au fédéral. Il affirme lui-même avoir réalisé plusieurs infractions dans sa vie (vols de voitures, vente de drogue, hold-up, etc.) en plus d’avoir été «une tête de réseau».

Et le travail, à la sortie?

Daniel a choisi d’utiliser à bon escient le temps passé en centre de détention. Il a donc notamment fait un DEC en sciences humaines. Depuis sa sortie, l’homme a toujours eu de l’emploi. Ce n’était pas toujours les «jobs de rêve», avoue-t-il, mais cela lui a permis de cumuler différentes expériences de travail. «Quand on sort de prison, on a beaucoup d’aspirations, mais on prend les opportunités qui s’offrent à nous», admet l’ex-détenu.

Cela dit, pour ses démarches de recherche d’emploi, Daniel a toujours fonctionné par lui-même. Il a «bûché» et bâti ses compétences. Au fil du temps, il s’est découvert une passion pour l’intervention. Il a eu un emploi dans un organisme de Montréal pendant plusieurs années. Lorsque l’organisation a fermé ses portes, l’homme s’est retrouvé sans emploi. «J’ai fait 75 demandes d’emploi, et j’ai eu 75 refus.»

Après avoir été incarcéré à Trois-Rivières, Bill doit réaliser près de 750h de travaux compensatoires et il a décidé de les faire au Musée québécois de culture populaire. Quelque temps après, il travaille comme guide à la vieille prison et y découvre «tout un monde». Lors des visites, il se raconte aux visiteurs et s’aperçoit qu’il ressent un grand bien à s’ouvrir.

En ce qui concerne l’employabilité, Bill exprime trouver ça difficile. «Mon CV est très mince et je sais très bien qu’on me demandera «Qu’as-tu fait de telle à telle année?» et suivront les préjugés.»

Quant à Andrew, il s’est repris en main après plusieurs mois passés à la Maison Radisson. Pendant deux mois, il a participé au Programme préparatoire à l’emploi (PPE), ce qui lui a donné un bon coup de main dans sa recherche d’emploi.

Grâce à ce programme, il a réalisé un stage de 3 semaines dans une entreprise du domaine de la rénovation. À ce moment, l’employeur ne connaissait pas son parcours. Comme il a aimé sa façon de travailler, Andrew est toujours à son emploi, et ce, depuis maintenant presque six mois. Maintenant, l’employeur est bien au courant de l’histoire de son employé.

Daniel

Les parents de Daniel se sont divorcés alors qu’il avait 9 ans. Comme il a une sœur plus jeune, lors de la séparation, on lui a souvent dit qu’il devenait «l’homme de la maison» et cette phrase lui est restée en tête.

Étant donné que le nouveau mari de sa mère était un homme violent, Daniel n’était plus capable d’endurer la violence et a fini par passer à l’acte en lui enlevant la vie.

Qu’est-il devenu?

En plus d’offrir des conférences, Daniel, 52 ans, œuvre au sein de Service Oxygène, un service de soutien aux délinquants. Trente-deux ans plus tard, il assume son geste et le regrette. «Je ne pourrai jamais réparer ça. Il ne méritait pas que je lui enlève la vie. Je suis maintenant conscient de tout le mal que j’ai fait, que ce soit à ma famille ou à la communauté.»

Bill

Né en 1960, Bill affirme que lorsqu’il était jeune, l’époque était vraiment différente d’aujourd’hui. L’homme indique avoir consommé pour la première fois à l’âge de 12 ans. Quelques années plus tard, il s’est tourné vers les drogues plus dures (opiacées).

Il se rend vite compte que ces substances lui procurent un sentiment de sécurité, d’autant plus qu’il amasse de l’argent assez rapidement. Il finit par flouer son employeur en vendant de la drogue et en lui faisant perdre de l’argent.

Qu’est-il devenu?

Sobre depuis 11 ans, l’ex-toxicomane a maintenant une conjointe et une petite fille de presque deux ans, ce qui représente un nouveau départ pour lui, le début d’une nouvelle vie.

Il préfère faire ce qu’il aime et ce en quoi il croit, c’est-à-dire faire du coaching et offrir des conférences. «J’ai un karma. J’ai fait du mal dans le passé et je veux maintenant redonner à la société.»

Andrew

Natif de Montréal, Andrew, lui, dit qu’il vient de la rue. Il a passé son enfance dans des maisons de jeunes et dans des gangs de rue.

C’est sous l’influence de son frère aîné qu’il commence à consommer à 11 ans…et sa vie de délinquance se poursuit pour un bon nombre d’années. Il a toujours travaillé à travers cela, mais ce n’était «pas assez payant» pour lui, puisqu’il consommait quotidiennement pour une somme entre 600$ et 1000$.

Qu’est-il devenu?

Maintenant âgé de 39 ans, il est toujours à l’emploi de l’entreprise pour laquelle il avait fait son stage, il y a presque six mois. En fait, la plus grande inquiétude d’Andrew est de ne pas travailler.

S’il perd son emploi, il trouvera autre chose, mais il est très conscient que la rue est à côté et qu’il est facile d’y faire de l’argent, bien que ce ne soit pas du tout dans ses plans de retourner dans sa «vie d’avant». Amoureux depuis quelques mois, il voit un bel avenir se dessiner devant lui. «Quand je pense à mon futur, je vois une maison de campagne avec un chien!»

Message aux employeurs

«Les employeurs devraient faire un effort pour voir les compétences des individus. Ce n’est pas parce que tu as fait une erreur que tu es un déchet pour le reste de ta vie.» – Daniel

«Je comprends les gens qui ont des préjugés, car à ma façon, j’en ai aussi et j’agirais probablement comme eux. Par contre, en ce qui me concerne, je fais ce que j’ai à faire, de manière intègre, honnête et authentique.» – Bill

«Les employeurs devraient être heureux de donner la chance à quelqu’un de devenir heureux; principe de donner au suivant.» – Andrew