Ceci n’est pas du cannabis

AGRICULTURE. Plusieurs appels ont été logés à la Sûreté du Québec au cours des dernières semaines en lien avec la présence de champs complets où poussent des plants qui ressemblent en tout point à du cannabis… et qui dégagent une forte odeur de marijuana!

Certains ont même poussé l’audace jusqu’à aller se servir. Ils ont sans doute été déçus et en ont été quitte pour un bon mal de tête! Les plants en question ne contiennent aucune vertu hallucinogène et sont composés d’un taux de THC extrêmement négligeable (sous les 0,3% comparativement à 5% pour le cannabis).

«C’est comme fumer du gazon», illustre David Proulx, le propriétaire de la Ferme Bio-Nic, la division culture de l’entreprise nicolétaine RDR Grains et Semences, un producteur 100% biologique qui a décidé de planter 45 hectares de chanvre sur deux de ses terres situées dans le rang des Soixante.

Il s’agit d’une culture plutôt inusitée dans une région où l’Opération Cisaille 2.0 et la campagne Stop Cannabis sont toujours d’actualité. Le producteur a d’ailleurs dû obtenir un permis de Santé Canada et faire analyser ses graines avant de les planter pour s’assurer que le taux de THC est conforme. Le tout devra être vérifié de nouveau avant la récolte, alors qu’un inspecteur ira prélever des échantillons dans le champ pour les analyser.

Il aurait été impossible de camoufler du «cannabis récréatif» à travers sa plantation de «chanvre industriel» qui est composée autant de plants «mâles» que «femelles». Même que si des plants de pot se trouvaient à proximité, ils auraient été détruits par le pollen de la plantation de chanvre.

Une alternative intéressante

Pour le producteur, il s’agissait d’une belle alternative et d’une occasion d’affaires intéressante, étant donné que le marché du chanvre est très peu développé au Québec. Une poignée de producteurs s’y adonnent, et ce, même s’il y a une demande intéressante.

L’entreprise a décidé de se rabattre sur cette culture après avoir connu des ratés avec son «blé d’automne». Elle a ainsi planté son chanvre relativement tardivement, soit à la fin juin et au début juillet.

Il s’agissait pour elle d’une production intéressante dans sa rotation des cultures (maïs, soya, blé, pois, orge) pour «donner une chance» au sol. «Pour ne pas toujours prélever les mêmes minéraux; couper le cycle des maladies et mauvaises herbes», indique le propriétaire.

C’est ainsi que l’entreprise a décidé de se lancer dans le chanvre et de vendre ses graines à Aliments Trigone. L’entreprise décortique les graines qui sont aussi utilisées pour fabriquer les céréales Nature’s Path, riches en vitamine E, qui se vendent en épicerie.

Le chanvre a aussi plusieurs autres utilités. Il peut servir pour les huiles ou encore remplacer la fibre de verre dans les bétons de construction. Les fibres peuvent aussi servir pour l’isolation des maisons ou pour faire des cordages ou du tissu.

Il s’avère actuellement quatre fois plus payant à la tonne que le soya, la culture dont la valeur est l’une des plus élevées. «Le chanvre se vend environ 4 000$ par tonne pour un rendement moyen d’une tonne par hectare. C’est un revenu potentiel de 180 000$», indique le propriétaire qui ne croit toutefois pas qu’il atteindra le rendement espéré cette année.

L’entreprise tentera également de revendre ses résidus pour la fibre à un entrepreneur comme le groupe ORVERT, à Charette. Sinon, ils seront enfouis dans le sol. Si tel est le cas, il ne pourra pas cultiver de blé ou de maïs l’an prochain, ni rien qui soit demandant en azote. «Parce que la fibre va monopoliser l’azote disponible pour se dégrader», explique le propriétaire, David Proulx.

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